Le transport de marchandises en ville s’inscrit dans un contexte urbain difficile pour la distribution logistique (espace rare, dense et contraint, doté d’infrastructures spécifiques) mais également source de nombreuses opportunités (faibles distances, forte concentration).
La logistique urbaine englobe les fonctions d’entreposage et de stockage, de gestion des stocks, de préparation de commandes, d’emballage, de suivi des envois, de gestion des retours, d’échanges de données avec la particularité de livrer également le consommateur final. Les échecs de livraison et les re-livraisons, la fragmentation des achats et le taux de remplissage des véhicules, les contraintes des zones résidentielles et la répartition des points de livraison font du dernier kilomètre un enjeu majeur de la logistique urbaine.
Typologie des espaces logistiques urbains
Les espaces logistiques urbains se définissent comme suit, du plus large au plus petit espace logistique :
- La Zone Logistique Urbaine (ZLU) concerne un vaste espace (la ville et sa périphérie) et offre de multiples services avec mutualisation des moyens techniques ;
- L’Espace Logistique Urbain (ELU) concerne la ville principale ou sa première couronne, c’est l’ensemble des équipements logistiques qui peut améliorer le transit de marchandises et leurs relations entre la voirie et le lieu d’exploitation et entre la ville et sa périphérie plus ou moins lointaine ;
- Le Centre de Distribution Urbaine (CDU) concerne un périmètre plus restreint, souvent l’hyper-centre, un centre historique pour la rationalisation des parcours de livraison, c’est une plateforme de groupage-dégroupage, située en général à quelques kilomètres du centre-ville, dont le but premier est la gestion des flux à destination des zones denses ;
- L’Espace Logistique de Proximité (ELP) ou hôtel logistique est une micro-plateforme logistique qui combine une partie de la voirie aménagée en zone de stationnement réservée au transport de marchandises et une structure d’accompagnement où plusieurs services annexes, notamment la sous-traitance des derniers mètres à un système de livraison à faible impact environnemental ou l’assistance au chargement et au déchargement des marchandises ;
- Le Point d’Accueil des Véhicules (PAV) concerne un quartier : il met à disposition des places réservées et sécurisées à disposition des transporteurs. Les derniers mètres sont réalisés à pied.
- Le Point d’Accueil des Marchandises (PAM) est un point de dépôt des marchandises en l’absence des clients qui viennent ensuite y récupérer leurs produits. Il permet un gain considérable en productivité pour le transporteur et un gain de temps pour le client ;
- La Boîte Logistique Urbaine (BLU) : la consigne permet de déconnecter le transporteur du client. Elle nécessite un outil technologique pour sécuriser et transférer les données en temps réel.
Optimisation de la logistique urbaine
La logistique urbaine est en plein essor avec l’explosion des livraisons directes aux particuliers ; le e-commerce représente près de 9 % en 2019 du commerce de détail et ses livraisons se répartissent pour les deux tiers à domicile et pour le dernier tiers dans des lieux alternatifs (point relais, conciergerie au travail, station essence, terminaux routier, gare ferroviaire…).
La répercussion majeure est l’augmentation du trafic qui se traduit par une hausse de pollution en ville. On peut noter que pour l’Île-de-France, le transport de marchandises représente 10 à 20 % du trafic, mais il est responsable d’un quart des émissions de CO2, d’un tiers des émissions d’oxydes d’azote et de la moitié des particules liées à la circulation urbaine. De plus, avec le temps, les plateformes logistiques se sont éloignées pour répondre à la dynamique des prix du foncier.
Exemple : la distance des agences de messagerie pour les petits colis (2-30 kg) est passée de 6 à 16 km du centre de Paris de 1970 à 2016. Enfin, la désorganisation du trafic et le manque de services mettent à rude épreuve l’image de la logistique urbaine.
La logistique urbaine est un secteur dynamique pour l’emploi mais les nouveaux modes de livraison (start-ups logistique, micro-entrepreneurs et crowdshipping) entraînent de nombreux manquements aux usages et règles sociales ainsi qu’une forme de précarité pour les livreurs : non-inscription au registre du transport léger de marchandises, non-règlement des cotisations sociales obligatoires (non-couverture en cas d’accident ou de chômage), prise de risques pour augmenter ses recettes en relation directe avec le nombre de courses (non-respect de la vitesse, du code de la route…).
Les six grands axes de progression
Six axes de progression s’articulent autour de la logistique urbaine :
- La mutualisation : elle concerne les plateformes, les aires de livraisons, les véhicules, les moyens techniques et les données. Le fonctionnement en Hub and Spoke (en étoile) permet des économies d’échelle : augmentation du coefficient de remplissage, partage des coûts de structures et de moyens, il peut également permettre de mettre en place une logistique des retours plus performante ;
- Les véhicules : favoriser les véhicules propres (véhicules électriques, au biocarburant, triporteur, remorque autopropulsée), encourager les modes alternatifs à la route : le ferroviaire et le fluvial ;
- Le foncier logistique : réserves foncières pour mettre des surfaces logistiques à disponibilité à prix abordable pour la création d’ELP ou de city hubs (regroupement d’activités logistiques, de bureaux…) ;
- L’accueil des véhicules de livraison : augmentation et contrôle de l’utilisation abusive des places de livraison (80 % des livraisons sont effectuées en stationnement illicite), réservation dynamique des aires de livraison, harmonisation de la réglementation ;
- La structure commerciale et les services : développement des structures et services pour répondre à l’individualisation des modes de vie en utilisant tous les outils disponibles. On peut citer par exemples (liste non-exhaustive) :
- livraison en horaires décalés, rapide (H+) ou sur rdv,
- point relais, consigne, drive piéton, kiosque multi-instances sur le chemin des consommateurs,
- mutualisation des achats pour une seule livraison, mutualisation de la ramasse des commerçants de proximité (= paquet de proximité).
- Le volet social : fixer le cadre légal de la livraison à domicile, encadrer les pratiques et renforcer les filières de formation.
L’avenir de la logistique urbaine
Une étude de l’ASLOG réalisée sur 50 villes françaises au premier trimestre 2017 montre l’étendue des progrès possibles :
- la mutualisation : 2 villes sur 3 ont déclaré ne pas disposer d’espace logistique urbain ;
- les véhicules : des entreprises de livraison en véhicules électriques ainsi que des coursiers à vélo sont implantées dans la moitié des agglomérations. Les solutions de livraisons en cargocycles et en véhicules roulant au GNV sont également présentes à hauteur d’un tiers des répondants ;
- le foncier logistique : peu de villes ont pris l’initiative de réserver du foncier pour la logistique urbaine. Toutefois, l’étude montre que 15 villes sur 50 ont indiqué avoir cette problématique en projet. La logistique urbaine n’est pas prioritaire lorsque du foncier se libère. Cependant les acteurs locaux sont prêts à accueillir de nouveaux projets d’espaces logistiques urbains lorsque le besoin est identifié et que la solution proposée est viable.
- l’accueil des véhicules : les principales actions déclarées dans le questionnaire portent sur l’harmonisation de la réglementation. Viennent ensuite des propositions d’horaires de livraison décalés. Assez peu de villes ont pris des initiatives de mesures incitatives, en termes de stationnement ou circulation, pour les véhicules propres.
En général, les projets relatifs à la logistique urbaine sont nombreux. Ils concernent pour la moitié des villes l’harmonisation de la réglementation et les solutions de livraison en mode doux. Ces projets concernent aussi, pour de nombreuses villes, la mise en place d’une charte de logistique urbaine et l’installation d’équipements pour la transition énergétique (bornes de recharge, stations GNV). Les espaces logistiques urbains sont également au cœur des préoccupations de près d’un tiers des villes répondantes.
La réglementation
Le cadre institutionnel des transports et de l’urbanisme s’est enrichi de nombreuses nouvelles lois pour renforcer et organiser les pouvoirs des collectivités locales :
- L’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales organise la mise en place de zones à circulation restreinte (ZCR) ;
- L’article L. 318-1 du code de la route permet une identification des véhicules fondée sur « leur contribution à la limitation de la pollution atmosphérique et sur leur sobriété énergétique ». Les véhicules peu polluants peuvent bénéficier de conditions de circulation et de stationnement privilégiées ;
- L’article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales a élargi les possibilités de transfert des pouvoirs de réglementation de la circulation (et donc les compétences sur les horaires de livraison ou le gabarit des véhicules utilitaires autorisés à circuler en ville) aux structures intercommunales, permettant une organisation plus cohérente des activités de livraison ;
- La loi Grenelle II du code des impôts permet la mise en place d’un péage urbain dans les agglomérations de plus de 300 000 habitants, dotées d’un Plan de Déplacements Urbains (PDU) prévoyant un transport en commun en site propre comme un tramway ;
- L’article L. 1231-1 du code des transports donne droits aux autorités organisatrices de transport, « […] afin de réduire la congestion urbaine ainsi que les pollutions et nuisances affectant l’environnement », et « en cas d’inadaptation de l’offre privée à cette fin », d’organiser des services publics de transport de marchandises et de logistique urbaine. C’est une disposition unique en Europe, permettant aux collectivités locales de subventionner et de réguler une activité de livraison mutualisée d’un centre-ville (par exemple), au moyen notamment de véhicules électriques ou au gaz naturel ;
- La loi pour la transition énergétique (Loi N°2015-992) prévoit enfin plusieurs autres dispositions qui élargissent les conditions d’exercice d’une politique sur les transports de marchandises :
- L’article 35 donne la possibilité aux villes de faire des expérimentations sur la logistique urbaine ;
- L’article 36 favorise les modes de transport de marchandises non polluant dans les marchés publics ;
- L’article 40 dispose que l’État doit favoriser « l’augmentation du taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises » ;
- L’article 70 favorise l’économie circulaire et donc les circuits de recyclage ;
- La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové généralise le Plan Local d’Urbanisme intercommunal. Un PLUi peut faciliter une meilleure organisation spatiale des installations logistiques dans une agglomération. En effet, l’incohérence et la fragmentation des réglementations locales ne contribuent pas au respect des règles, quand chaque commune peut, indépendamment de ses voisines, fixer le type de véhicule accepté, à quel horaire et sur quel itinéraire il peut circuler.
*Source : La logistique urbaine, où en êtes-vous ? Étude Aslog réalisée sur 50 villes françaises au T1 2017.