Depuis les élections municipales, le changement de gouvernement et la clôture de la Convention Climat, la logistique s’est immiscée dans les discours politiques. Incarné par les centres de distribution géants d’Amazon, le e-commerce suscite de nombreuses critiques. On lui reproche notamment son impact environnemental et social. Même si certaines inquiétudes sont légitimes, un entrepôt vertueux est pourtant possible, grâce au modèle logistique dit « intensif ».
Objectifs : gagner du temps et de l’espace
En logistique, il n’y a que deux sources de coût :
- Le temps, qui est bien souvent le reflet d’une distance à parcourir ;
- L’espace, car les mètres carrés constructibles sont rares.
Toute palette ou colis consomme au logisticien du temps et de l’espace. Il est dans l’intérêt de tous de réduire cette consommation. En effet, chaque minute passée dans un camion représente des coûts pour le client final et des émissions de CO2 pour la planète. Chaque mètre carré occupé est responsable d’une plus grande artificialisation des sols et entraîne pour le distributeur un coût foncier et fiscal.
A l’heure où culmine la prise de conscience des enjeux environnementaux, garantir le niveau de service attendu par les consommateurs (livraison en 24 heures, reverse logistics, etc.) semble paradoxal. Pourtant, il est possible de réconcilier ces objectifs apparemment antinomiques en optimisant la consommation de temps et d’espace à l’intérieur des centres de distribution. Comment ? Par la densification des stocks : c’est la philosophie du modèle logistique « intensif ».
L’Entrepôt Grande Hauteur Automatisé
Depuis des années, les entrepôts « conventionnels » de stockage de palettes sont construits à environ 12 mètres sous plafond, ce qui coïncide avec la hauteur maximale atteinte par les chariots élévateurs. Ce ballet de chariots est pourtant grand consommateur de temps et d’énergie. Pire encore, il n’est pas rare que les chariots percutent les rayonnages et causent des écroulement dramatiques pour les caristes qui les conduisent.
Pour densifier le stockage, une solution s’impose : construire en hauteur. Les « Entrepôts Grande Hauteur Automatisés » sont des bâtiments qui s’élèvent jusqu’à 45 mètres de haut, pour 20 niveaux de palettes les unes au-dessus des autres (contre 5 dans le cas conventionnel). Evidemment, la manipulation des charges ne peut plus se faire manuellement. On utilise donc plusieurs machines, les « transstockeurs », qui, grâce à des mouvements de translation dans les allées de stockage, peuvent chacun déposer et retirer jusqu’à 50 palettes par heure.
Le gain d’espace est évident : on consomme quatre fois moins de surface au sol et deux fois moins de volume, les allées et espaces vides étant restreints au strict nécessaire. Par ailleurs, grâce à un pilotage entièrement informatisé, les opérations deviennent plus fiables, plus précises et plus rapides. Les inventaires ne sont plus nécessaires, et le risque pour les opérateurs est réduit à néant. Enfin, la consommation énergétique diminue fortement (pas d’éclairage nécessaire, volume minimal à maintenir en température dirigée, etc.).
Très fréquent en Allemagne depuis plusieurs décennies, ce type d’infrastructure est encore rare en France. Bien conçu, il permet pourtant d’atteindre un retour sur investissement au bout de cinq ans environ. D’autre part, contrairement à une idée reçue bien ancrée, ces investissements ne se font pas au détriment de la flexibilité. Les rayonnages sont fongibles, c’est à dire transformables si le flux logistique venait à changer.
Les défis soulevés par le modèle logistique « intensif »
Même s’il apporte une solution pour sortir par le haut de l’opposition stérile entre logistique et écologie, l’entrepôt intensif ne peut réussir sans une approche politique globale.
Relocaliser l’outil industriel
En premier lieu, l’empreinte écologique de la logistique reste très importante. Certains acteurs, trop peu nombreux, agissent localement pour équiper leurs entrepôts de panneaux solaires et minimiser les impacts sur la biodiversité. Mais là n’est pas l’essentiel. Dans l’ensemble, l’empreinte carbone de la logistique émane surtout d’un modèle industriel qui atteint ses limites : le juste-à-temps international.
En favorisant la compétitivité de l’Europe, on encourage la régionalisation des chaînes d’approvisionnement, dont l’impact environnemental et social est bien plus significatif. Produire local, c’est créer des emplois et réduire les nuisances liées aux transports des marchandises. Le développement du fret ferré et fluvial, voulu par le gouvernement, va également tout à fait dans le bon sens.
Accompagner les commerçants dans la transition numérique
Par ailleurs, le e-commerce, comme toute évolution économique majeure, représente autant une menace qu’une opportunité pour les commerçants traditionnels. De la même manière que le CD n’a pas été sauvé par les lois Hadopi, ce n’est pas en interdisant les entrepôts que l’on convaincra les Français d’acheter en centre-ville. Cela est d’autant plus vrai en cette période d’incertitude sanitaire qui pèse fortement sur l’expérience d’achat des consommateurs.
Mais tout n’est pas perdu pour les magasins physiques, bien au contraire : avec une politique de la ville efficace, de nombreuses métropoles, à l’image d’Annecy ou Amiens, ont fortement dynamisé leurs rues commerçantes. Grâce à l’écosystème innovant des start-ups de la logistique, les magasins peuvent désormais proposer des expériences omnicanales au même titre que les plus gros acteurs. Interdire l’entrepôt lui-même ne conduirait qu’à le déporter aux frontières de la France, au prix d’une pollution accrue sur le trajet.
Améliorer l’attractivité de la filière logistique
Enfin, l’impact de l’automatisation sur l’emploi est probablement le principal sujet d’opposition. Il s’agit là d’un débat récurrent sur la notion de « progrès ». Les élus sont pourtant peu conscients de la difficulté à recruter sur ce type de fonctions. Lorsqu’une plate-forme traditionnelle ouvre ses portes, il faut trouver des centaines de manutentionnaires, emplois pénibles et mal rémunérés. 62% des projets de recrutement sont ainsi considérés comme « difficiles » dans ce secteur en déficit d’attractivité.
L’entrepôt automatisé ne fait pas disparaître les opérateurs. Au contraire, il fait évoluer leurs postes dans la bonne direction, en offrant aux salariés des postes de travail ergonomiques et des options de carrière plus valorisantes, notamment en préparation de commande ou en maintenance. Fait suffisamment rare pour être souligné : les projets d’automatisation que mène SDZ ProcessRéa sont le fruit de consensus avec les salariés concernés.
Bien loin des discours simplificateurs, la logistique a donc besoin de courage politique pour favoriser un développement économique vertueux, à la fois pour les Hommes et pour l’Environnement.
Pour aller plus loin : voir l’interview d’Etienne Page, Directeur du Développement de SDZ ProcessRéa, sur le plateau de Stéphane Soumier.